Conclusion

Entre « recherche > création » et « création > recherche »

« L’intégration des disciplines artistiques dans les universités a favorisé l’émergence du concept de recherche création. Certains parlent de practice-as-research, ou de performance as research. S’agit-il là d’une nouvelle forme de recherche ou d’une nouvelle forme de création, ou de la juxtaposition de deux territoires déjà existants ? »1)

Quelle que soit l’issue des débats qui entourent la recherche création, on vient de voir que s’y engager reste une réelle aventure. Son projet est très singulier pour un artiste. N’invite-t-il pas le chercheur - créateur à « [se] saisir [lui-même] […] comme praticien, à formuler, à l’extérieur de [lui-même], les dimensions essentielles de [sa propre] pratique artistique » ? Ne lui impose-t-il pas de clarifier, non pas l’œuvre elle-même, mais « le processus de création et la dynamique d’ensemble de [sa] pratique »2) ? Ne l’amène-t-il pas à situer son questionnement dans une problématique qui déborde largement le champ étroit d’une création personnelle ? Et ainsi à « transmettre un savoir parallèlement à [sa] pratique »3) ?

Un tel cadrage méthodologique « comporte [d’emblée] une dimension prescriptive qui se heurte au sentiment d’indépendance et au désir d’originalité de l’artiste »4) voire sur certains aspects, à la démarche de création elle-même, j’en ai parlé. Mais surtout, il est peu balisé, ce qui a constitué une des principales difficultés de cette recherche.

L’aventure de la recherche création est donc d’abord une aventure méthodologique.

Artiste plasticien depuis plus de dix ans, je ne pouvais pas saisir le processus de ma création actuelle sans considérer toute sa généalogie. Cela m’a contraint à imaginer autrement la recherche création, et ce, sur la base d’une réflexion théorique sur ses méthodes (III.a). Cette clarification m’a conduit à poser deux moments interdépendants de recherche : un moment de « recherche > création » (plus proche d’une recherche sur l’art) mettant en perspective critique sept de mes œuvres passées, réalisées entre 2001 et 2010 ; et un moment de « création > recherche » (plus classique d’une recherche création) rendant compte du processus de création de mes « œuvres en train de se faire »,5) réalisées durant la thèse. Ces deux moments comportent des objectifs et des méthodes très différents, mais ils sont au service d’une même hypothèse : l’hypothèse de la filiation de mon travail artistique avec le remix numérique.

Une contribution théorique et méthodologique

Ma « recherche > création » a donné lieu à une contribution théorique (I et II), elle-même couplée à une contribution méthodologique (III) destinée à organiser, de la façon la plus ouverte possible, les points d’observation d’une analyse compréhensive des œuvres de remix numérique. Ma contribution théorique a cherché à répondre à la problématique suivante : de l’art numérique à la pratique du remix dans la création plastique numérique, et à partir de leur contextualisation historique et évolutive, en quel sens les effets et les usages technologiques de dématérialisation, de diffusion des flux, de circulation des données ou de stockage (re)définissent-ils les nouvelles pratiques de création et plus spécifiquement les pratiques artistiques du remix ? La première partie de mon état de la question théorique a interrogé la création numérique. Elle a montré combien celle-ci prend ouvertement à rebours « l’idée, partagée presque unanimement par les artistes ou les philosophes (Valéry compris), que l’œuvre ne traduise jamais une règle ou une idée préalablement donnée, que la règle de l’art n’existe pas préalablement à l’œuvre ou n’est pas donnée d’abord à l’extérieur d’une matière, pour y être ensuite appliquée ».6) Car penser la création numérique, notamment l’implication de la dématérialisation numérique dans la création, revient très vite à placer la question du dispositif au centre de la réflexion.7) Cela peut sembler simpliste et renvoie à l’historique fait par Edmond Couchot sur les difficiles débuts de l’art numérique, qualifié dans les années 1960, « comme un non-art par une partie influente des critiques, des historiens, des enseignants et du marché de l’art. Les raisons invoquées [étant] (…) que l’on ne pouvait pas faire de l’art avec des machines déterministes qui ôtaient toute liberté aux artistes ».8) De fait, on a vu que le médium numérique s’avère être un tiers médiateur particulièrement capable de faciliter la circulation d’information, l’activation ou la distorsion des relations des acteurs et tout simplement, les opérations de transformation et de (ré)interprétation qui sont au cœur de la création. Et que sa sophistication technique loin d’être négative, conduit à considérer la contrainte non pas comme un cadrage technique étroit, mais comme une « contrainte créatrice », permettant à l’artiste de choisir et fixer un ensemble de procédures. Car, « si la contrainte peut se rapprocher de la règle, c’est seulement comme celle d’un jeu dont l’artiste serait le maître, celle qu’il aurait fixée, et qui donnerait lieu à un ensemble réglé d’actes ou de gestes ».9) Mais cette liberté de l’artiste est là aussi entendue de façon radicalement différente des périodes précédentes de l’art. « L’œuvre d’art pour Internet ne correspond plus au concept d’objet achevé, mais s’inscrit davantage comme un processus, un dispositif collectif ouvert et interactif »10) et « la perte partielle de contrôle et de choix, cette acceptation sans distinction des effets qui découlent du recours à la contrainte, permet à l’artiste de construire une manière de “retrait”, dont les différents articles définissent la teneur. »11). Penser la création numérique revient donc à exhiber la question des dispositifs, des dispositifs qui « matérialisent des facteurs de contraintes autant qu’ils génèrent des appropriations, interprétations et actions. ». Des dispositifs qui « conduisent à ne plus séparer producteurs et destinataires, contraintes et ressources, en envisageant l’ensemble des médiations matérielles, techniques ou symboliques, qui y sont à l’œuvre et qui participent à la coordination des activités de création. »12) Ceci ouvre, on l’a vu, à de nombreuses questions, par exemple, sur l’articulation entre savoir technique et création ; sur le niveau d’acculturation des artistes et sur l’organisation des indispensables compétences hybrides mises en œuvre par l’artiste ou le collectif de création ; sur la reconfiguration du métier d’artiste ; sur le statut mobile et reconfiguré du créateur, de l’auteur et du spectateur…

La problématique de la création numérique invite aussi à interroger les effets d’une diffusion des flux d’information à une large échelle par l’intermédiaire du Web. Car la diffusion constitue un des principes clés de l’art numérique. Trait culturel de notre époque, elle est associée au phénomène d’abondance voire à la saturation et à l’accélération informationnelles qui renvoient à ce qu’on appelle l’infobésité. Et on a vu combien cette inflation de contenus nouveaux, individualisés et sans cesse renouvelés, constitue un matériau sans précédent pour les artistes. Je retiendrai surtout que ce n’est pas tant le changement d’échelle13) qui est remarquable, mais le fait que la logique de diffusion et de dominance des mass médias bascule vers une perspective plus communicationnelle et plus réflexive. Ce faisant, cela favorise l’émergence du Web 2.0, celle d’un média social14). Cette mise à disposition originale et sans précédent d’outils de création et de publication donne naissance à une nouvelle génération de producteurs, à la fois créateurs et diffuseurs, et à une diffusion sur Internet d’œuvres autonomes, mais aussi d’œuvres élaborées par et pour Internet. Le Net Art témoigne de ces nouvelles stratégies de création « par, pour et avec Internet ». L’apparition d’une distinction entre un « art sur le réseau et un art en réseau »15) souligne aussi la dynamique et la diversité de cette création. De même, à sa manière, l’art dit Post-Internet témoigne qu’Internet fait maintenant partie intégrante de notre société. Plutôt que de questionner et utiliser le réseau, une nouvelle génération d’artistes renverse le statut de l’œuvre numérique. Ici, « l’œuvre d’art se trouve à la fois dans plusieurs versions, celle de l’objet situé dans une galerie ou un musée, celle d’une représentation picturale diffusée par le biais de l’Internet et de publications imprimées et celle d’images “pirates” de l’objet ou de ses représentations, avec toutes les variations possibles lorsque d’autres auteurs les modifient et les recontextualisent ».16) On a vu aussi que le Net.Art rencontre directement les caractéristiques du remix. En effet, le Net.Art « questionne très tôt les spécificités technologiques, politiques et sociales de l’Internet.».17) Il se singularise aussi par « la collaboration sans considération pour l’appropriation d’idées d’autrui, le fait de privilégier le principe de communication au principe de représentation, l’immédiateté, l’immatérialité, la temporalité […] le parasitisme comme stratégie de création […] la disparition des frontières entre le public et le privé. »18) Au regard de telles perspectives critiques et appropriatives, le remix ne pouvait qu’investir la création numérique, j’y reviendrai. Mais la clarification de la création numérique sur Internet n’en reste pas moins un exercice complexe. « Écrire à propos d’art sur Internet est comme essayer de fixer des mots sur un phénomène instable et protéiforme. Cet art est fixé par les limites de son développement même, chevauchant un torrent impétueux de progrès technologique. »19) On retrouve inlassablement postulée la mise en question de l’art numérique. Car, ici « L’“art” lui-même est un terme contesté - rejeté par certains de ceux qui ont été appelés “net artiste” - et c’est seulement ici utilisé timidement, comme un terme convenu sous lequel un panel de phénomènes peut être examiné. Sa cohérence peut être seulement jugée a posteriori. ».20)

Cela m’a engagé en tant que chercheur et artiste à porter attention aux phénomènes de filiation et de rupture dans le champ de l’art numérique. Le cadre contraint de la thèse m’a imposé des choix. J’ai ainsi privilégié trois principes qui concernent particulièrement la création de remix en général et mes œuvres en particulier : la transgression du droit d’auteur, le principe de collection et le nouveau rapport au temps de l’œuvre numérique. Cela remet au centre la question préalable du dispositif. Car « on ne peut séparer une opération de pensée, à quelque époque que ce soit, des conditions techniques d’inscription, de transmission et de stockage qui la rendent possible »21). Or, avec Internet apparaît l’hypersphère qui « se définit, quant à elle (…) autour du modèle de l’hypertexte et du réseau. Son régime est celui de la connexion, de l’interaction et de la dissémination. Il introduit notamment une tendance à l’indifférenciation des acteurs de la transmission, une distanciation sémiotique inédite (celle du modèle ou de l’hologramme, qui n’est ni une convention, ni une représentation, ni une empreinte) ainsi qu’une temporalité complexe, où le flux se branche à nouveau sur des stocks. ».22) De fait, les notions d’auteur et de propriété sont considérablement revisitées par les nouvelles technologies ; et par là même, les procédures de création, de consultation, de diffusion et d’exploitation de l’art numérique. Ceci s’inscrit dans l’histoire longue du droit d’auteur, déjà marqué par l’instabilité de son statut et par sa soumission à un incessant rapport de force politique et économique. On a vu que la malléabilité et la dématérialisation des contenus avaient entraîné une transformation des usages et une modification des limites admises de la transgression du droit d’auteur et du droit de reproduction. Le médium numérique induit une remise à plat du système de valeurs des biens informationnels, aussi bien au niveau de la création qu’au niveau de la consommation de ce type d’informations. Le remix étant, par définition, une recomposition de contenus existants, il oblige à interroger le droit d’auteur de façon frontale et à se demander comment définir la frontière entre la contrefaçon et la reconnaissance d’une création personnelle ? À partir de quel moment et de quel degré de citation ou de captation d’images et de sons, un auteur peut-il revendiquer la paternité sur une œuvre inspirée du travail d’autrui ? Sur quels motifs défendre la porosité d’un droit d’auteur pensé pour protéger la création, mais ce faisant, réfrénant tout son potentiel d’évolution et d’innovation ?

Étroitement associé à la question du droit d’auteur, le principe de collection via Internet fait aussi partie intégrante de la création numérique, non seulement comme source de matériau et d’inspiration, mais aussi comme principe de création. À l’aube du XXIe siècle, avec la multiplication des utilisateurs et producteurs de contenus présents sur le Web ou celle des sites comme l’Internet Archive, le principe de collection reprend une force particulière. L’artiste s’affirme comme collectionneur, mais aussi curateur. Il favorise de nouvelles formes plastiques et esthétiques fondées sur l’abondance, le flux, le fragment, la copie, l’archivage temporaire, le réseau, l’interactivité, etc.  Des pratiques qui rencontrent ma stratégie de création. Le dernier principe de filiation que j’ai voulu relever est le nouveau rapport au temps des œuvres numériques. On a vu que celles-ci « sont (…), de façon optimale, des œuvres qui évoluent dans le temps, qui n’ont pas de fin et qui sont un processus dynamique, autogénérateur. (…) Le numérique donc, et cela d’autant plus que lui est associée l’interactivité du dispositif Internet, déstabilise et recompose le temps - instantanéité, simultanéité, inachèvement - au point d’en faire une “perspective” aussi innovante que celle qu’inventèrent, à propos de l’espace, les artistes et les ingénieurs du Quattrocento. ».23) Cette propriété et cette perspective sont au cœur d’une intention. Car « les cyberartistes cherchent à éveiller une nouvelle conscience du temps, à la fois l’instant et la durée, en exploitant le potentiel du feedback et du décalage temporel. Ils espèrent aussi encourager une nouvelle perception de l’espace en stimulant l’imagination spatiale. ».24) Cela génère des œuvres ouvertes, le plus souvent interactives dans lesquelles « l’auteur laisse pénétrer “l’autre” dans son œuvre, avec ce qu’il y a d’imprévisible et d’incontrôlable. »25) Ce temps que j’ai appelé « temps créateur » est très actif dans mon travail artistique. J’ai aussi relevé, pour l’analyse des œuvres de remix numérique (des miennes en particulier), l’intérêt d’un « temps retrouvé » (lié à la pérennisation de la source originelle, dans le cas du remix) et celui d’un « temps compté » (lié à la question problématique de l’obsolescence des dispositifs numériques).

Cette contextualisation historique et évolutive de l’art numérique me permet à présent d’envisager la deuxième partie de mon état de la question théorique : le remix dans la création plastique numérique. On a vu que le remix signifie au sens strict « le fait de prendre des artéfacts culturels et de les combiner et de les manipuler de telle façon à créer des mélanges créatifs »26). Et qu’il apparaît chaque fois qu’un nouveau médium est popularisé au point de faire partie du quotidien. Le remix numérique est ainsi le témoin du désir irrépressible des artistes de déjouer le monde qui les entoure, mais aussi le signe de l’intégration sociétale des médias numériques. Mais avant d’aborder le remix numérique, il convenait de pouvoir repérer les types de remix en général. Je me suis appuyé sur la typologie qu’Eduardo Navas a fondée à partir des remix sonores. Il distingue : - un remix sélectif et un remix étendu qui consiste à « ajouter ou soustraire du contenu de l’œuvre originale (…) tout en gardant “l’essence” originelle de l’œuvre intacte »27). - Puis un remix réflexif, qui se base sur la pratique du sampling et qui « allégorise et étend l’esthétique de l’échantillonnage ». Ce remix a toujours quelque chose à voir avec l’œuvre originelle. Il porte en lui sa source de validation autoréflexive. Eduardo Navas place aussi, dans cette catégorie, le mashup, une pratique de remix qui consiste à superposer, sans les dénaturer, deux sources originales d’information, généralement assez différentes l’une de l’autre et à les combiner et les diffuser en parallèle.

- Le mashup s’exprime aussi aujourd’hui dans une forme plus ouverte, faisant évoluer le remix réflexif. Il apparaît avec l’essor des plateformes Web 2.0 et conduit à ce qui est défini comme un remix régénératif,28) « spécifique aux nouveaux médias et à la culture en réseau. »29) Il rend visible l’origine des sources, « mais il n’utilise pas nécessairement la technique de l’échantillonnage. […] La validation du remix régénératif réside dans sa fonctionnalité. ».30) En effet, les plateformes de Web 2.0 proposent aux utilisateurs et aux développeurs des interfaces de programmation applicative qui permettent d’exporter sous certaines conditions le contenu présent sur une plateforme pour l’intégrer dans d’autres contextes, sur d’autres plateformes. Ces contenus ainsi mis en parallèle ne sont pas déterminés à l’avance. Ils alimentent des œuvres de remix qui évoluent en permanence. Cette « régénérativité » va permettre aux artistes d’explorer de nouveaux champs dans la création numérique.

Outre sa portée méthodologique, cette typologie soulève une question centrale qui a constitué le fil rouge de ma « création > recherche » : la question de l’originalité de l’œuvre et de la portée référentielle du remix. En effet, pour Navas, « la version remixée rentre en conflit avec l’aura31) de l’œuvre originelle et réclame sa propre autonomie »32). Mais, « sans trace de son histoire, le remix ne peut pas être un remix ».33) Du point de vue de l’histoire de l’art, la question de l’originalité semble délicate à poser. Il est souvent admis qu’on assiste généralement à une réitération d’un même concept ayant subi une variation plus ou moins importante de son contenu et de sa forme. Et que « l’appropriation (…) fournit, depuis des temps immémoriaux, la clé de la vitalité des cultures, leur mécanisme de reproduction ».34) Si l’artiste est souvent convoqué dans un étroit espace de liberté, « le concept d’originalité dans la période moderne de l’art est un mythe, c’est la répudiation ou la dilution du passé ».35) Si on ne peut garantir l’originalité de l’œuvre, on peut tenter de repérer les limites de la définition du remix. De ce point de vue, la question de la portée référentielle du remix s’est avérée centrale pour développer mon hypothèse sur la filiation de mes œuvres avec le remix. J’en parlerai longuement lors de la présentation des résultats de la « création > recherche ». Je rappellerai ici que j’ai retenu la tension entre deux acceptations opposées du remix : le remix délimité par la reconnaissance de son matériau source, ou bien le remix transformé à l’extrême (voire mis en abyme quand la source est elle-même déjà un remix). Et que j’en ai accepté la double existence possible, en lien avec le processus de création et l’intention de l’artiste.

De fait, on a vu que le remix et sa portée référentielle servent ainsi souvent une intention forte, celle d’artistes positionnés, engagés au cœur des mouvements sociétaux de leur temps. J’ai montré tout le foisonnement et la diversité des pratiques de remix qui ont marqué le champ artistique du siècle dernier. La plupart des artistes cités sont au cœur de la période postmoderne et sont souvent caractérisés par une remise en cause radicale, que cela concerne les médias de masse, l’industrie cinématographique, la société de la consommation ou l’art. Cela m’a permis de rappeler que l’art est souvent indissociable du contexte sociopolitique et a interrogé aussi le champ très actif du remix politique. En se réappropriant les médias visés par la critique, en s’appuyant sur les nouvelles technologies pour les réinterpréter au sens fort du terme, les remix politiques dénoncent très tôt les idéologies dominantes. Nos exemples ont souligné que l’évolution du remix politique « avant le numérique » est marquée par une belle diversité : une diversité de thèmes, point de départ d’une opposition radicale (anticapitaliste, anti nazi, anti maoïste, antiraciste, anti consommation de masse, anti énergie fossile…) ; une diversité de sources utilisées seules ou bien conjuguées avec brio ; une diversité d’approches critique, radicale, documentée, acerbe, satirique, humoristique… Fort de cet héritage, le remix numérique à portée critique va naturellement reprendre à son compte cette diversité, mais aussi s’appuyer sur les conditions singulièrement adaptées à son projet telles qu’apportées par le Web et la culture numérique ; par exemple, l’accessibilité et la profusion sans précédent des sources et des matériaux générés à l’envi par les internautes, la diffusion virale, l’immédiateté et la proximité avec les « événements - sources », la distance et la capacité de réinterprétation des faits eux-mêmes par la 3D, etc. Un des changements les plus opérants se situant au niveau de la diffusion virale. Le remix numérique va bénéficier d’une diffusion sans précédent qui échappe rapidement aux pouvoirs dominants et permet ainsi au remix politique de jouer réellement son rôle perturbateur et accusateur. Quoi qu’il en soit, tout concourt à renforcer le rôle de catalyseur des questionnements sociaux du remix politique et à générer de nouvelles explorations artistiques.

Quelle que soit son intention, le remix s’exprime aussi à travers une grande diversité de formes qu’il convenait d’explorer. Même si beaucoup de créations rassemblent son, image, texte voire objet, j’ai isolé chaque forme pour bien en saisir la portée. On a vu que le remix sonore pose les grands principes du remix et de son évolution, en lien avec celle de l’art contemporain et avec la révolution numérique. Par exemple, on a repéré la gradation du détournement : de simples opérations d’amplification ou de découpe d’une même source, avec ajouts d’effets, à des agencements plus complexes avec, par exemple, la technique du sampling. Ou encore la grande diversité de matériau sonore utilisé. Le rapport entretenu avec la source originelle du remix marque aussi l’importance de la mémoire référentielle dans la création de nombreuses œuvres. De même, la constitution délibérée d’une généalogie d’œuvres articulées autour de la même portion originelle suppose une communauté active de musiciens, souvent reliés avec leurs publics. Enfin, on a vu que l’irruption du numérique et de ses nouvelles potentialités favorisent des créations renouvelées, notamment en lien direct avec l’utilisateur. Ainsi, certaines œuvres choisissent de penser prosaïquement le quotidien en rejouant inlassablement à partir de la numérisation de l’environnement sonore du spectateur ; l’enregistrement étant aussi régulièrement réinitialisé, afin d’affirmer la fluidité éphémère de l’espace-temps. L’évolution des technologies, notamment les techniques semi-automatisées de création de remix, offre, aussi, de plus en plus de facilités aux créateurs, voire aux spectateurs, et leur confère une autonomie qui augure d’une forte créativité à venir.

À l’instar du remix sonore, le remix visuel met en jeu la plupart des grands principes à l’œuvre dans le remix numérique en général. Les exemples donnés ont souligné une capacité de création démultipliée par la pluralité de contenus disponibles (par exemple, n’importe quel contenu vidéo ou n’importe quelle image) et par les combinaisons possibles de règles imposées par l’artiste. Mais ils nous font aussi questionner la relative perte de contrôle potentiellement vécue par l’artiste de remix numérique, une perte de contrôle tantôt assumée, tantôt involontaire et récupérée. Je remarquerai que cette question n’est pas nouvelle, car elle renvoie à la tension entre négation ou affirmation de l’artiste, que j’ai relevée dans l’histoire de l’art contemporain. J’ai relevé aussi, l’inscription de certains remix visuels dans la perspective plus communicationnelle et réflexive propre au médium numérique, l’artiste allant même jusqu’à proposer à l’utilisateur lui-même de créer, mais aussi de participer à la transgression du droit d’auteur associée au remix. Enfin, le niveau d’acculturation numérique de l’artiste (ou, comme on l’a vu, de son collectif aux compétences hybrides) entre fortement en ligne de compte dans ces créations. Et le dernier exemple sur l’implication de plus en plus importante des technologies, dites d’intelligence artificielle, a montré à quel point les innovations technologiques évoluent et renouvellent constamment la création voire la défient.

Quant au remix textuel, son historique a souligné que le texte (comme la musique) a une place privilégiée dans la pratique du remix du fait de l’unicité de formatage qu’il est nécessaire de respecter pour pouvoir s’exprimer par l’écriture. Ces contraintes imposent une certaine limite aux possibilités de création textuelle, mais elles en sont aussi le moteur, comme le démontrent nombre d’expérimentations d’écriture littéraire. On peut retrouver le principe de combinatoire, de collection et de contraintes créatrices dans la plupart des exemples de remix textuels. Comme dans le cas des remix sonore ou visuel, le passage au médium numérique a permis d’explorer d’autres contraintes et d’autres combinaisons. Il a favorisé des détournements qui amplifient la confrontation avec les œuvres originelles et la question de l’auctorialité. Et ce d’autant plus, rappelons-le, que les artistes de remix textuel numérique accèdent, par l’intermédiaire du réseau Internet, à une quantité inégalée de sources textuelles de ce patrimoine commun mis en exergue par Kurd Lasswitz.36) Et qu’ils acquièrent ainsi des moyens accrus pour générer des collections, la collection (comme la copie) étant un principe récurrent du remix numérique.

Enfin, j’ai relevé que le remix d’objet constitue une forme tout à fait singulière de remix. Les innovations technologiques actuelles invitent à ne pas l’oublier. Il met en exergue l’importance de repenser notre rapport au monde dans le cadre de la transition numérique. Il réactualise, de façon aigu’, les questionnements autour des notions d’authenticité et de conservation d’objet, et surtout souligne l’indépendance apportée par l’impression 3D. Ce qui augure de nombreux débats concernant le droit d’auteur transfiguré par ces pratiques.

Pour clore ma réflexion théorique, je me suis attaché au phénomène d’émergence. Car on a vu que les œuvres dites appropriatives témoignent significativement du phénomène d’émergence généré par le caractère numérique et processuel de leurs dispositifs. Et que l’émergence résume la dynamique d’une œuvre de remix numérique. Elle est « l’apparition d’un phénomène sans précédent dans un réseau - ou système – complexe, qui est davantage que l’ensemble des éléments qui constituent ce réseau. L’émergence naît des interactions entre ces éléments constituants du système. Le phénomène d’émergence ainsi actuel, processuel semble devenir une notion clé́ dans l’étude des processus de création contemporains. ».37) Le phénomène d’émergence peut donc servir à caractériser, pour partie, le remix artistique numérique. Et ce d’autant plus qu’« une propriété peut être qualifiée d’émergente si elle “découle” de propriétés plus fondamentales tout en demeurant “nouvelle” ou “irréductible” à celles-ci ».38) J’ai montré que le phénomène d’émergence est susceptible de s’exprimer de façon variable, en fonction de la figure de l’artiste de remix (artiste collecteur, ré-agenceur, recréateur), de son intention (liée pour une grande part à l’imprévisibilité, à l’accident et à l’advenir), du résultat obtenu (fragmenté, cumulatif, recréé) ainsi que de sa lecture et de sa réflexivité (degré de réappropriation, degré de distanciation avec le matériau originel, sens émergent(s)…). Autant d’indicateurs pour qualifier les œuvres selon un degré d’émergence faible ou fort.

Cet état de la question sur la création numérique et sur la création de remix en particulier avait pour but de favoriser la distance interprétative et critique du chercheur - créateur. Il concerne principalement la « recherche > création », même si cette réflexion théorique a été considérablement enrichie par les questions émergeant lors de mes œuvres en train de se faire. Il m’a permis aussi de dégager une série d’observations utiles à une lecture compréhensive des œuvres de remix numérique. Je renverrai le lecteur à la contribution méthodologique de la partie III, qui liste les points d’observation potentiels et leurs indicateurs. Cette contribution méthodologique correspond à un premier apport de ce travail de doctorat. Elle est à envisager avec humilité dans la mesure où toute tentative de circonscrire un champ artistique, quel qu’il soit, est vaine voire absurde, notamment quand cela concerne une période contemporaine, qui plus est, foisonnante. Elle n’est donc pas à considérer comme une délimitation du champ du remix numérique, mais comme une collecte des constats et tendances possiblement à l’œuvre dans les œuvres de remix numérique, et ce, dans les limites des questionnements imposées par le cadre contraint et les différentes finalités de la thèse. Cette contribution méthodologique a guidé l’analyse de mes œuvres passées lors de la « recherche > création ». Elle a permis de me donner la distance et l’étayage nécessaires à la difficile mise en perspective critique d’une telle recherche autopoïétique. Elle me permet, à présent, de rendre compte de la rétrospective des mes œuvres.

Les apports d’une analyse rétrospective sur mon travail artistique

« Quand la technologie est repensée, déviée de sa finalité instrumentale et pragmatique, elle devient alors l’occasion d’une expérience esthétique, un moyen d’échange intersubjectif d’émotions, de sentiments, d’idées, de connaissances ; elle prend sens. » 39)

Figure 106. Les sept œuvres choisies pour l’analyse de la « recherche > création » (BOILLOT, Nicolas, 2016)

L’analyse rétrospective de mes œuvres a permis de relever trois constats : - L’identité de mon travail artistique s’affirme à partir de quatre intentions récurrentes. - Mon parcours porte témoignage d’une époque, celle du passage à l’ère numérique. - La filiation hétérogène de mon travail artistique avec le remix numérique valide mon hypothèse, mais met en question les limites habituelles de la définition du remix.

Premier constat : l’identité de mon travail artistique s’affirme à partir de quatre intentions récurrentes

On peut constater que j’ai eu une activité à la fois intense et diversifiée. Mais, il ressort aussi quatre intentions récurrentes qui dessinent l’identité de mon parcours artistique : la mise en jeu du droit d’auteur ; le rapport au temps comme intention et principe de création, en lien avec l’interactivité ; la mise en perspective critique de l’abondance des flux informationnels hors et sur le réseau Internet ; et enfin, la collection comme intention et comme principe de création. Je peux, d’ores et déjà, affirmer que ces intentions et les principes sous-tendus renvoient bien à ceux du remix et qu’ils ont été amplifiés à l’ère numérique. Je préciserai, à présent, comment mes œuvres et leur processus de création envisagent chacune des quatre intentions précitées.

  • Intention 1. La mise en perspective critique de l’abondance des flux informationnels hors et sur le réseau Internet.

On a vu que la saturation et la surinformation sont des sujets de prédilection des artistes avant ou après Internet, notamment en ce qui concerne le remix artistique à portée critique. Deux de mes premières œuvres portent sur la critique des médias télévisuels, hors Internet : La lyre publicitaire dénonce la saturation d’informations publicitaires imposées par la diffusion verticale des médias de masse et leur prégnance au cœur de notre quotidien. SamplTV tente de perturber l’attractivité et le manque de réflexion des spectateurs face au déferlement d’informations délivrées par les diffuseurs télévisuels. Cette posture critique habite aussi deux autres de mes œuvres liées à Internet. Elles cherchent à mettre en avant la révolution de la publication, de la consultation, de l’archivage et de l’exposition apportée par Internet. Elles se saisissent de la capacité de création sans précédent apportée par l’inflation de contenus et leur mise à disposition via des plateformes de diffusion en évolution permanente. Ainsi, .urler est une œuvre de Net Art dont le fondement même s’appuie sur la saturation et l’infobésité présents sur le Web et sur la facilité d’accès aux médias qui y sont présents. De même, Plagiairc questionne les modes de consommation et d’appropriation du contenu d’autrui à partir d’un dispositif qui exploite la quantité exponentielle de communications textuelles réalisées et accumulées sur le réseau I.R.C.

  • Intention 2. La collection et la curation comme intention et comme processus de création.

L’attrait pour l’abondance, mais aussi le fait que les principes de fragmentation et de recomposition soient au cœur des pratiques du remix, expliquent sans doute pourquoi la collection est si présente dans mon travail. La collection comme pratique artistique est ici source d’inspiration et de matériaux (collecte d’objets, d’images, de sons ; usage du potentiel de collection d’I.R.C., de Google images et d’Internet Archive) et source de création (artiste collectionneur et curateur, je regroupe, trie, ré-agence en fonction d’une intention). Mes premières œuvres reposent sur des captations personnelles (prise de vue d’objet du quotidien pour L’espace réinitialisable ; images et enregistrement sonore à partir d’un lieu pour La mosaïque sonore ; à partir de spots télévisuels pour La lyre publicitaire). Au départ, cela constitue de petites collections sauf dans le cas de La lyre publicitaire qui a exigé la captation de 250 slogans à partir de l’enregistrement du son télévisuel. Je relèverai que ce type de travail long et fastidieux de captation marque aussi une époque ; le passage au numérique le facilitera grandement, je peux en témoigner. Dans deux autres de mes œuvres, la collection est simplement inhérente au flux des médias choisis : le flux potentiel de l’émission télévisuelle (SamplTV) ou du film (Spoiler) qui sera exploité par le dispositif et l’utilisateur. En revanche, Internet me permet la constitution de collections considérables (80 000 phrases en français et en anglais issues d’I.R.C., pour Plagiairc). Il me permet également de déléguer la constitution de la collection à des plateformes de contenus (Google Images pour .urler). Mais surtout, c’est la collection qui est au cœur de l’intention de ces deux œuvres. Elles cherchent, en effet, à questionner, dans le cas d’.urler, les effets d’absurdité et de sérendipité de nos navigations dans l’infobésité du Web et dans le cas de Plagiairc, la façon dont sont utilisées les données d’autrui collectées, archivées et mises à disposition sur Internet.

  • Intention 3. La mise en jeu du droit d’auteur.

La question du droit d’auteur est au cœur de mon travail. Elle est aussi étroitement associée au principe du remix puisque le rapport à l’original y est essentiel. Mes deux premières œuvres (L’espace réinitialisable et La mosaïque sonore) reposent sur des matériaux dont je suis l’auteur. Spoiler utilise un film libre de droits. Ce faisant, cela illustre l’apport pour la création et le rôle patrimonial des sites d’archivage en ligne comme Internet archive. En revanche, dans mes autres œuvres, la question de la transgression du droit d’auteur est centrale. Soit parce qu’elle découle d’une intention critique, la dénonciation des médias de La lyre publicitaire et de SamplTV exigeant d’exhiber les sons et les images médiatiques et de garder intacte leur portée référentielle, et ce, malgré le fait que ses contenus soient liés à une sphère économique où prévaut une vision anglo-saxonne du droit d’auteur. Soit parce qu’elle constitue l’intention même de l’œuvre, Plagiairc la plaçant au centre de la dénonciation de l’usage public et privé de nos données personnelles. Il s’agit ici de se demander à partir de quels critères on peut considérer qu’un mot appartient encore à son auteur, selon la vision morale du droit français. J’expérimente ici explicitement le plagiat et les limites du droit d’auteur, doublant ainsi le questionnement intrinsèque au principe du remix. Ce faisant, je pose la question de sa banalisation qui est au cœur de l’évolution des pratiques liées au Web 2.0. Car on l’a vu, la culture du partage opère au détriment de la culture de la propriété. D’ailleurs, j’ai noté que la spécificité de mes œuvres me conduisait aussi à perdre la maîtrise de leur diffusion et du droit d’auteur associé. Quoi qu’il en soit, j’ai témoigné de la difficile double contrainte imposée ainsi à l’artiste, la transgression du droit d’auteur faisant aussi partie intégrante du principe du remix, au sens de Navas. Sur un autre plan, j’ajouterai que je suis depuis longtemps très sensible à l’intrusion des « géants du Web » dans notre vie. Ce qui explique aussi pourquoi cette question du droit d’auteur ou de sa transgression m’importe tant. La figure suivante reprend la diversité des questionnements au fil de mes œuvres. Elle repère aussi la place de mes deux dernières œuvres en développement.

Figure 107. La transgression des droits d’auteur au cœur de ma réflexion artistique (BOILLOT, Nicolas, 2016)

  • Intention 4. Le rapport au temps comme intention, en lien avec le principe d’interactivité.

On a vu que l’œuvre numérique rompt avec l’écoulement linéaire du temps habituellement perçu et fait coexister plusieurs temporalités. Et que l’artiste numérique « déstabilise et recompose le temps – instantanéité, simultanéité, inachèvement - au point d’en faire une perspective »40) en créant les conditions singulières d’une œuvre interactive. Ce temps créateur est très présent dans mon travail, la notion de temps circulaire apparaît dès La lyre publicitaire et est très développée ensuite dans SamplTV et .urler. Par exemple, SamplTV met en jeu simultanément une triple temporalité : la temporalité de l’émission télévisuelle en temps réel ; la temporalité cumulative et rétroactive des fragments en mouvement, réinterprétés et rejoués sans cesse par le dispositif ; et la temporalité de l’écoulement des fragments superposés diffusés en boucle et rafraîchis au fil de ce temps circulaire. Par ailleurs, le temps peut être l’intention même de l’œuvre. C’est le cas de Spoiler qui propose une inhabituelle possession de l’espace et du temps par la mise en jeu de deux temporalités à partir du détournement du film La nuit des morts-vivants : la temporalité du film « actuel » (l’action en temps réel) et la temporalité du film « spoilé » (l’action, dix minutes plus tard). J’invite le spect’acteur à être d’abord l’élément déclencheur du voyage dans le futur ; puis le « corps révélateur » du futur de l’événement vécu au présent. Spoiler interroge ainsi nos désirs d’anticipation, le fait de pouvoir deviner le futur pouvant résoudre certaines interrogations, mais aussi soudain annihiler toute la tension et l’espoir du présent. On le voit, le rapport au temps du spectateur est pleinement convoqué, et ce, selon le mode de la co-création. L’interactivité est donc au cœur de mon rapport au temps, et ce, dans la plupart de mes œuvres. Car seules, L’espace réinitialisable et SamplTV peuvent exister sans l’intervention du spectateur. Toutes les autres œuvres nécessitent une interaction. Mes œuvres atténuent aussi la distance verticale avec le public en renvoyant à un référentiel familier (publicité, média de masse, plateforme de contenu populaire, trivialité des propos des clavardages sur I.R.C.) et en proposant des interfaces simples, familières ou ludiques (lyre, microphone, effet miroir de la silhouette détourée, etc.). Je soulignerai que Plagiairc est une œuvre particulière. Si comme dans La lyre publicitaire ou .urler, la familiarité du dispositif (ici, l’ordinateur et Facebook/Google), la trivialité du propos (ici, la communication interpersonnelle dans sa forme la plus simple : l’échange instantané, le lien phatique) et le conditionnement de l’œuvre à l’action du spectateur destinent délibérément Plagiairc à un public non-initié, Plagiairc va beaucoup plus loin. Elle engage le public dans son espace privé (à domicile, face à son ordinateur, en interagissant avec ses propres contacts). Enfin, je rappellerai que l’interactivité dépend aussi des types d’interfaces utilisées par le dispositif. Mes interfaces sont relativement simples, voire familières ; mais, mes œuvres liées à Internet mettent aussi en jeu les interactions repérées par Jean-Paul Fourmentraux41) dans les œuvres de Net art : « les interactions de contribution » (.urler et Plagiairc) et « les interactions d’alteraction » (Plagiairc), car ici, c’est « l’action collective en temps réel » qui compose le cœur de son projet artistique.

La mise en perspective du droit d’auteur, du rapport au temps et de l’interactivité, de l’abondance et de la collection constitue les traits les plus marquants de mon travail. Mais l’analyse de mon parcours a mis en visibilité d’autres spécificités indicatrices du passage de la création à l’ère numérique, telles que relevées dans l’état de la question théorique. J’en ferai maintenant le témoignage.

Les apports d’une analyse rétrospective

Deuxième constat : mon parcours porte témoignage d’une époque, celle du passage à l’ère numérique

Un autre mérite de cette rétrospective personnelle est de porter témoignage de l’époque traversée (de 2001 à 2010) et de mettre en visibilité plusieurs spécificités marquantes du passage à l’ère numérique de la création, notamment de remix artistique, tel que relevé par l’état de la question.

Je relève que, dès 2002, mes œuvres ne se cantonnent plus à une relation de création, mais qu’elles affirment toutes une relation de médiation typique de l’art numérique. Mes œuvres sont ainsi pour la plupart intangibles, ouvertes, inachevées. Je permets aux spectateurs de faire l’expérience d’œuvres pouvant donner lieu à un nombre indéfini d’exécutions conforme à mon intention d’origine. On l’a vu, la plupart n’existent que par leur interaction avec le spectateur, sauf dans le cas de SamplTV où la relation de médiation reste une proposition, la boucle se générant automatiquement grâce au dispositif et la possibilité d’interaction avec le spectateur restant mineure. Pour les autres, la proposition d’interaction évolue du déplacement d’un curseur à l’écran (La mosaïque sonore), du pincement de corde (La lyre publicitaire) ou de l’utilisation d’une « télécommande » (SamplTV) à un engagement corporel (la voix avec .urler ; le corps avec Spoiler) et à un échange discursif (Plagiairc).

La plupart de mes dispositifs font appel à des « contraintes créatrices » fortes, typiques du remix comme de l’art numérique. Par exemple, les dispositifs d’œuvres aussi précoces que La mosaïque sonore ou La lyre publicitaire reposent sur des règles très précises. La lyre publicitaire propose un potentiel riche et immuable de combinaisons possibles de différents slogans, renvoyant aux qualités classiques des « œuvres à immanence plurielle ».42) Le dispositif de SamplTV repose sur des règles strictes de sélection des parties en mouvement des images du flux télévisuel captées au fur et à mesure de leur diffusion. Redistribuées, de façon spatio-temporelle, sur une boucle de vingt-cinq images, et transposées dans une temporalité différente et répétitive. Elles restituent l’illusion du mouvement et mettent en visibilité les éléments attractifs et saturés des images médiatiques. Les contraintes d’.urler sont très élaborées également. Le dispositif canalise l’expression, la parole des spectateurs à un seul mot et les oblige à subir les contraintes imposées par Google Images pour convoquer le hasard, la perte de contrôle et la sérendipité qui règnent au cours de nos navigations. Je ne peux reprendre tout le détail des différents dispositifs, mais je renverrai le lecteur à leur diversité et leur complexité.

De fait, l’évolution de mon travail suit la progression croissante des potentialités numériques. Elle montre aussi sa dépendance à mon acculturation numérique ou, le cas échéant, à celui du collectif de création. Le niveau de complexité des dispositifs de mes œuvres va croissant, Plagiairc, ma dernière œuvre étant de loin la plus complexe. J’ai indiqué que j’avais dû attendre huit ans avant de pouvoir envisager d’être en mesure de la réaliser. J’ai souligné, dès le départ, combien l’évolution des pratiques artistiques numériques repose sur le recours à des logiciels accessibles qui permettent de s’affranchir en partie des contraintes de technologies hautement spécialisées ; ou aussi de l’importance de mes collaborations avec des artistes ou des informaticiens et celle de mon autoformation au fil des créations, notamment grâce à l’enseignement des personnels de renfort liés à certaines œuvres (SamplTV, Plagiairc) ; ou enfin, l’apport essentiel des résidences sur les plans humain, expérientiel et technique. Ma participation à des réseaux collaborant autour de certains logiciels, comme Eyesweb, a également été déterminante. Je témoigne ainsi du fait que la création numérique exige de l’artiste, non seulement une culture technique, mais aussi une culture du partage et de la coproduction. J’ai montré que cette formation croissante, mais aussi l’avancée continuelle des techniques et des performances des ordinateurs, m’avaient conduit à faire évoluer souvent le dispositif de certaines œuvres, témoignant ainsi de l’évolution potentielle permanente d’une œuvre numérique. Le désir de parfaire l’expression du concept de l’œuvre le justifie souvent. Comme la possible obsolescence des dispositifs de création et d’exposition. J’ai ainsi dû intervenir sur certaines œuvres comme Spoiler et SamplTV. D’autres sont irrémédiablement touchées (.urler, La lyre publicitaire) et ne subsistent qu’à l’état de traces. Enfin, Plagiairc m’a conduit à assumer clairement cette prise de risque de l’obsolescence, car le fonctionnement de l’œuvre repose sur les plateformes Facebook et Google. L’œuvre ne peut donc pas en être dissociée.

Je remarquerai aussi que seules mes œuvres, .urler et Plagiairc, peuvent être qualifiées de Net Art. Si on reprend la catégorisation de Fourmentraux, .urler est une œuvre « par et pour » Internet et Plagiairc « par, pour et sur » Internet. Cela me permet d’exploiter les nouvelles potentialités d’Internet (comme la mise à disposition de collection considérable, celle d’I.R.C. ou de Google Images ; ou de plateformes de communication interpersonnelle, Facebook et Google). Mais j’aborde le Net Art principalement, de l’extérieur, surtout mu par une posture critique : la mise en question de l’usage de nos données personnelles – images ou textes – par ces plateformes de contenu ; la fécondité ou l’absurdité de nos navigations sur le Web.

Enfin, je rappellerai que même si ce parcours témoigne d’une acculturation numérique assez élevée et d’une passion certaine pour les potentialités croissantes de la technologie numérique, la priorité de l’artiste reste la création ; la technique sert l’intention. Spoiler, créé en 2007, en témoigne. Malgré mon niveau de culture numérique de l’époque, Spoiler est une œuvre très simple qui ne nécessite pas un niveau de programmation élevé. Elle a, en revanche une intention très ambitieuse : la mise en perspective de nos rapports à la narration scénaristique et plus, avant, de nos rapports au temps et au futur.

Les apports d’une analyse rétrospective

Troisième constat : la filiation hétérogène de mon travail artistique avec le remix numérique valide mon hypothèse, mais met en question les limites habituelles de la définition du remix

J’aborde à présent la question centrale de cette thèse, l’hypothèse de la filiation de mon travail avec le remix artistique numérique. J’aurai l’occasion d’y revenir après avoir rendu compte du moment de « création > recherche » et de la création des œuvres réalisées pendant la thèse. Mais je ferai déjà une première synthèse sur ce qui est à l’œuvre dans mon travail de 2001 à 2010. J’ai bien insisté sur le fait qu’il est impossible et vain de vouloir figer le remix artistique numérique dans un champ trop délimité. Ma contribution méthodologique n’a eu qu’un but, relever les observations les plus habituelles de ce champ et tenter de soutenir une analyse la plus étayée, distanciée et ouverte possible, quitte ensuite à faire bouger les lignes des définitions les plus couramment admises, on le verra, lors de la restitution du moment de « création > recherche ». J’ai ainsi pu relever les indices d’une filiation progressive et hétérogène au fil d’une production très diversifiée d’œuvres.

Pour envisager cette filiation, je rappellerai que je n’ai jamais décidé de devenir un artiste de remix. Comme pour beaucoup d’artistes, mon parcours résulte surtout de questionnements personnels, de rencontres, d’expériences et de compétences. La veille artistique constituée depuis 200543) et 200944) montre d’ailleurs que mon intérêt pour l’art va bien plus loin que le remix. Mais je pense que mon inclinaison naturelle pour les œuvres de remix numérique s’explique par deux traits de ma personnalité : une vision plutôt critique, voire satirique, du monde et une appétence pour le détournement des idées comme des technologies.

Force est de constater que les sept œuvres présentées peuvent toutes être qualifiées de remix. Bien sûr, la filiation de ma première œuvre, L’espace réinitialisable, avec un remix n’est pas évidente, sauf à voir des remix dans tout procédé de transformation. Mais, avec le recul, cette œuvre « non numérique » m’apparaît être à la charnière de mon travail. Elle porte en elle les prémisses de mon orientation vers le remix numérique, comme d’ailleurs celles de mon rapport à l’espace (ma dernière œuvre Wall trope en témoignera). Je placerai également dans cette période préparatoire La mosaïque sonore, ma première œuvre numérique. Outre leur intérêt pour saisir la généalogie de mon travail, ces deux œuvres témoignent toutes deux des emprunts composites, anciens et nouveaux, qui constituent une œuvre de remix au seuil d’une nouvelle ère, celle de la dématérialisation numérique. Elles annoncent des choix de plus en plus radicaux, nous le verrons avec les œuvres qui suivront et qui appartiennent toutes à l’art numérique. Mes précédents commentaires ont largement rappelé les spécificités de ces œuvres. J’en reprendrai la lecture ici sur la base de ce qui fonde la définition du remix, telle que proposée dans ma contribution méthodologique.

- La définition du remix dépend du médium utilisé. Je noterai donc ici que mon intérêt pour le médium numérique est précoce (2002) et qu’il ne cessera plus. On a vu que l’évolution des performances technologiques et leur accessibilité ainsi que l’évolution de mes compétences vont influencer la complexité des œuvres. Le schéma ci-dessous visualise cette progression constante, ma dernière œuvre Plagiairc étant une des œuvres les plus complexes que j’ai pu réaliser durant cette période. Cette progression vaut à une exception près, car Spoiler, œuvre de 2007, a à peu près le même niveau de complexité que mes œuvres du début, relevant, s’il fallait le préciser, le primat de l’intention sur le dispositif. Le schéma visualise aussi le niveau de complexité du dispositif des œuvres réalisées au cours de la thèse. J’y reviendrai.

Figure 108. Indicateur « la définition du remix en fonction du médium utilisé » Mes œuvres selon le médium et le niveau de complexité du dispositif (BOILLOT, Nicolas, 2016)

- La définition du remix dépend aussi du matériau source et de la prédominance d’une forme sonore, visuelle, textuelle ou d’objet. Mis à part L’espace réinitialisable qui est la seule œuvre achevée et tangible (remix visuel et d’objet), toutes mes œuvres se dématérialisent et combinent chaque fois deux formes de remix : - sonore et visuelle, à égalité, dans La mosaïque sonore, avec une prédominance visuelle pour Spoiler et SamplTV ; - sonore et textuelle pour La lyre publicitaire qui expose en miroir un remix textuel et un remix sonore largement prédominant ; - visuelle et textuelle pour .urler et Plagiairc, le premier étant à prédominance visuelle et le second à prédominance textuelle. On relève que dans la grande diversité des propositions, les formes visuelles et textuelles restent prédominantes. Cela est à mettre en lien avec mon intérêt pour la création visuelle et pour la création textuelle sous contraintes (comme les principes combinatoires de L’OuLiPo).

- La définition du remix dépend des pratiques de détournement qui renvoient, selon le cas, à des remix sélectif, réflexif ou régénératif.45) Dans un remix sélectif, le détournement consiste à « ajouter ou soustraire du contenu de l’œuvre originale (…) tout en gardant “l’essence” originelle de l’œuvre intacte »46). Ceci concerne ma première œuvre non numérique L’espace réinitialisable ; mais aussi Spoiler, dont on a déjà remarqué la simplicité (elle repose sur un procédé de soustraction ; même si l’effet visuel semble nous faire croire qu’il s’agit d’une addition). Ces deux œuvres font figure d’exceptions. Toutes les autres peuvent être qualifiées de remix réflexif, notamment parce qu’elles pratiquent la technique de l’échantillonnage ou sampling qui consiste à sélectionner un fragment d’un ensemble, (de) le recomposer et le confronter à d’autres fragments dans une configuration complexe totalement nouvelle. De fait, j’ai beaucoup expérimenté cette technique à travers des œuvres et des dispositifs assez différents. Par exemple, La mosaïque sonore et La lyre publicitaire reposent sur un sampling assez simple, la fragmentation reste sage, la lecture de l’original peu perturbée. Même si La lyre publicitaire peut aussi donner lieu à un sampling accentué pour le cas où le spect’acteur de la lyre le souhaite. Dans le cas de SamplTV, .urler et Plagiairc, le sampling est plus complexe et les dispositifs très sophistiqués, notamment celui de Plagiairc. Le débat sur le degré de distanciation à l’original peut alors commencer. Il est directement associé à la question de la filiation avec le remix, si on suit Navas, pour qui « sans trace de son histoire, le remix ne peut pas être un remix »47). La reconnaissance de l’original, donc la portée référentielle du remix, est censée garantir sa portée critique. Elle est donc essentielle dans des remix, comme La lyre publicitaire, SamplTV, qui dénoncent le matraquage médiatique. Ou encore, comme .urler et Plagiairc, qui questionnent nos navigations ou usages dans les plateformes de contenus.

À cet endroit, je relèverai qu’une des spécificités de mon travail consiste aussi à proposer au spectateur de faire varier le degré de distanciation et de détourner la source au point d’une dissolution totale de l’original. La transgression du droit d’auteur qui était intrinsèque au principe du remix devient alors caduque, lorsque l’image remixée est une bouillie de pixels ou/et que les sons remixés produisent une cacophonie. Quoi qu’il en soit, cette variation continue, dans une même œuvre, entre un remix réflexif à portée référentielle et dénonciatrice et un remix libéré de tout contrôle et de toute référence, pose les bases d’une intéressante discussion quant aux limites de la définition du remix, que je reprendrai ci-après, lors de la réflexion autour des œuvres réalisées durant cette thèse.

Avant de clore cette typologie, je remarquerai aussi que je n’ai pas réalisé de remix régénératif qui est lui, spécifique de la culture en réseau et des nouveaux médias.

Je viens de cerner, de façon qualitative, l’identité de mon travail passé et son degré de filiation avec le remix. Ce faisant, j’ai illustré concrètement les aboutissants du cadrage méthodologique élaboré en amont. J’ai pu aussi témoigner de certaines tendances de la création numérique, telles que relevées dans l’état de la question théorique. Mais ce moment de « recherche > création » n’a de sens que pour contextualiser ma création actuelle, en l’occurrence celle qui porte la « création > recherche » et qui me fera poursuivre les questions posées, notamment celles portant sur la filiation de mon travail avec le remix.

Les œuvres « en train de se faire » de la « création > recherche »

« Le créateur-chercheur doit dissocier « le faire de l’analyse du faire »48) et apprendre à « démêler ce qui dans l’œuvre en cours concerne une posture de recherche (à visée cognitive) et une posture créatrice (à visée singularisante). »49) La démarche artistique, réflexive et expérimentale de ce doctorat a donné lieu à la création de trois œuvres élaborées durant la durée de la thèse : Lambeaux, Loops et Wall trope. Ce moment de « création > recherche » a été considéré selon une approche globale en envisageant « à la fois l’œuvre et ses modes de réalisation, en liant expérientiel et conceptuel ; rationnel et intuition. ».50) Et sachant que les concepts que j’ai eu à travailler tout au long de cette création ont nourri, eux aussi, l’état de la question théorique de la « recherche > création ». Ce qui explique d’ailleurs pourquoi certains indicateurs de la contribution méthodologique sont particulièrement enrichis (comme le droit d’auteur ou le rapport au temps, très importants dans cette série d’œuvres).

Je rappellerai les principales avancées des processus de création de ces œuvres. Il sera intéressant de se demander comment ces œuvres reprennent les filiations de mon parcours, à la fois du point de vue de l’identité de mon travail et du point de vue de l’inscription de ces trois œuvres dans le champ du remix numérique.

Figure 109. Les trois œuvres réalisées durant la phase de « création > recherche » (BOILLOT, Nicolas, 2016)

Les œuvres réalisées, Lambeaux, Loops et Wall trope, sont à considérer comme une série évolutive, car elles sont directement dépendantes les unes des autres. Elles témoignent d’une expérimentation grandissante, mes intentions de départ étant : d’exploiter les nouvelles possibilités du médium numérique pour donner toute sa dimension à SamplTV, une des œuvres marquantes et identitaires de mon travail ; de privilégier le statut d’auteur-interacteur en mettant entre parenthèses l’interaction avec le public ; et de repousser les limites admises du remix, c’est-à-dire encore me confronter avec les termes de mon hypothèse générale.

La première œuvre Lambeaux occupe clairement une place de médiatrice entre mes œuvres passées et Loops et Wall trope. Elle atteint pleinement ma première intention : donner toute sa dimension au concept de SamplTV. L’œuvre est plus ouverte. Son détournement est plus complexe, plus acéré, plus saturé. Je rappelle que j’ai dû attendre huit ans pour être en mesure de la réaliser. Lambeaux m’offre donc un dispositif numérique aux fortes potentialités. Il situe aussi le début de mon utilisation du format GIF. Ce format d’image me permet de « cristalliser » la boucle et de faire émerger une nouvelle narration en créant l’illusion d’une animation sans début ni fin. Ce temps circulaire et démultiplié est un marqueur important de l’évolution des deux prochaines œuvres. Un autre changement de cap dans ma pratique artistique va considérablement marquer Loops, puis Wall trope : l’absence d’interactivité avec le spectateur au profit de celle de l’auteur. Je privilégie ici le plaisir de l’artiste : le plaisir de l’interactivité, de la créativité et de la manipulation des codes et de leur détournement. J’ai donc décidé d’explorer plus avant la contrainte créatrice de Lambeaux, soit composer avec le mouvement visuel et créer une compression du temps, encapsulée dans un GIF et répétée de manière itérative à l’infini. Je n’ai plus utilisé le flux télévisuel comme source et je suis revenu à une pratique qui m’est chère, celle de l’artiste collectionneur. Dans Loops, le dispositif a reposé d’abord sur les flux de vidéos sélectionnés et extraits sur les plateformes de contenu comme YouTube ou Vimeo. Puis je me suis affranchi des flux vidéo, en associant le propre mouvement de ma souris et certaines contraintes (couleur, transparence, etc.) à des formes visuelles que j’ai moi-même créées, ou qui ont été issues de banques de données récupérées du Web. Dans Wall trope, l’œuvre suivant Loops, j’ai créé des compositions en mouvement, qui n’ont ni limite dans le temps (grâce au principe de la boucle répétée indéfiniment), ni limite (visuelle) dans l’espace, puisque je cherchais à explorer ici plus avant les notions de cadrage et de hors champs.

De fait, l’intention critique et la portée référentielle du remix de SamplTV et de Lambeaux disparaissent dans Loops et Wall trope, et ce, au profit d’une intention plastique et expérimentale et d’un détournement radical. La création s’appuie sur la perte de contrôle apparente, l’imprévisibilité, le hasard ou encore la création par accident. Elle accentue aussi considérablement le phénomène d’émergence amorcé dans Lambeaux. Elle génère des images à forte potentialité esthétique selon une composition visuelle et cinétique sur le temps et l’espace, que je qualifierai de « temporalité picturale » pour Loops et par extension, de « spatio-temporalité picturale » pour Wall trope. La frontière de la définition du remix de Navas est franchie : on ne peut plus dire que « l’œuvre garde apparentes les traces de son histoire ». Mais pour moi, on va voir que ces œuvres restent des remix. Je propose de les appeler des « remix distanciés ».

J’atteins bien là, la troisième intention de la « création > recherche », soit aller plus loin sur le chemin de mon hypothèse et repousser les limites admises du remix réflexif. J’ai ainsi exploré, de Lambeaux à Loops/Wall trope, une dissolution progressive de l’original afin de rendre caduque la notion de plagiat. On a vu que la première œuvre Lambeaux n’a pas franchi le pas. Même si l’original subit un détournement plus acéré et plus complexe que dans SamplTV, sa reconnaissance reste essentielle pour assumer la critique des médias. De même, sa contextualisation contribue à son intention et rend nécessaire le repérage de son inscription dans un lieu et un temps d’exposition donnés.51) On a souligné que les spectateurs se trouvent alors face à de nouvelles propositions de l’œuvre, qui changent au gré des temporalités médiatiques de chaque espace-temps d’exposition. L’œuvre se redéfinit en fonction de la diversité et de la multiplicité de ses points de vue (et non de ses multiples appropriations possibles). Et c’est ce qui la rend intéressante. Même et surtout si elle reste référentielle.

En revanche, l’intention de Loops et Wall trope est clairement expérimentale. Ces œuvres impliquent un degré extrême de distanciation avec l’original. Je deviens la seule personne, en tant que créateur de ces remix, à pouvoir retracer l’origine des différentes vidéos ou des formes, que j’ai utilisées comme matériau source. De telles créations permettent d’envisager autrement les notions de création et de paternité d’une œuvre d’art. Il a été intéressant d’ailleurs de souligner que si Loops et Wall trope me libèrent enfin de l’épineuse obligation de la transgression du droit d’auteur associée jusque là à mes œuvres de remix, leur format GIF a impliqué la transgression de mon propre droit d’auteur, plusieurs GIF de ces deux œuvres ont été intégrés au moteur de recherche de GIF de Twitter et Facebook sans mon accord.

Au sens de Navas, Lambeaux est la seule des trois œuvres qui pourrait être qualifiée de remix réflexif. Au sens de Jamie O’Neil52), Loops et Wall trope pourraient être aussi qualifiées de remix, soit comme je l’ai proposé, de « remix distancié ». Car on a vu que, pour lui, « dans le remix, “l’original” est impossible, parce que le monde dans lequel nous évoluons est une copie de copie, un endroit que nous avons perdu de vue, où nous avons perdu l’espoir de rencontrer l’original. »53)

Concernant mon hypothèse, je pourrais donc dire que la filiation de mon travail avec le remix artistique numérique est particulièrement aboutie. À ce moment-là du raisonnement, il me semble que ce qui est en jeu n’est pas tant la définition du remix au sens de Navas ou d’O’Neil (et de l’histoire de l’art qui la sous-tend), que la question de l’histoire de l’œuvre. Mais il est sans doute peu utile de s’enliser dans ces débats. On a vu combien le degré de distanciation à l’original explique aussi bien l’intérêt de Lambeaux que celui de Loops et de Wall trope. Grâce à un degré « faible à moyen » de distanciation, Lambeaux se redéfinit de façon efficiente, selon un contexte et en fonction de la diversité et de la multiplicité de ses points de vue. Grâce à un degré « fort » de distanciation, Loops et Wall trope expriment une « temporalité picturale », voire une « spatio-temporalité picturale » à forte potentialité esthétique. Ces œuvres sont donc toutes intéressantes de par leurs dynamiques propres. Et c’est sans doute ce que suggère O’Neil en disant que « l’esthétique du remix n’a pas besoin d’une connaissance précise des originaux, mais d’une conception plus complexe d’une histoire qui cherche continuellement à se réinterpréter elle-même. ».54) Une citation qui trouve toute sa place à la fin de cette « création > recherche ». Car O’Neil semble dire ainsi que ce n’est pas tant l’artiste ou les spectateurs qui « interprètent » l’œuvre numérique. C’est l’histoire de l’œuvre qui semble toujours en train de se réinterpréter, c’est-à-dire de se répéter en se transformant. Ce qui convient particulièrement bien à l’artiste que je suis, toujours en quête d’expérimentation et d’évolution.

La mise en perspective des apports et des limites du croisement des deux moments de la recherche et les pistes ultérieures de recherche et de création

J’arrive à présent au terme de cette recherche. La diversité de mes résultats témoigne de l’imbrication de la recherche et de la création et de sa portée systémique. - La « recherche > création » a apporté une contribution théorique et méthodologique sur la création plastique de remix numérique. Elle m’a permis de faire une lecture critique et compréhensive de mes œuvres passées et de relever la diversité et l’identité de mon parcours. J’ai pu ainsi clarifier quatre intentions récurrentes : la mise en jeu du droit d’auteur ; le rapport au temps comme intention et principe de création, en lien avec l’interactivité ; la mise en perspective critique de l’abondance des flux informationnels hors et sur le réseau Internet ; et enfin, la collection comme intention et comme principe de création. J’ai pu aussi témoigner de mon inscription précoce dans le champ de la création de remix numérique. Et relever que mes œuvres sont des remix sélectifs ou réflexifs, à portée plutôt critique, avec une prédominance pour les formes de remix visuelle et textuelle. - La « création > recherche » a donné lieu à trois nouvelles œuvres. La poursuite de mon hypothèse, - la filiation de mes œuvres avec le remix numérique -, a stimulé ma création à l’image des pratiques artistiques sous contraintes. Elle m’a invité à mettre en jeu la définition couramment admise du remix, notamment dans son rapport référentiel à l’original. Mes deux dernières œuvres sont nées de cette rupture et d’une intention non plus critique, mais purement expérimentale. Elles ont permis d’identifier ce que j’ai nommé un « remix distancié » qui expérimente une complète dissolution de l’original.

Figure 110. L’évolution de mon parcours : du remix sélectif et réflexif au remix distancié (BOILLOT, Nicolas, 2016)

La figure ci-dessus rend compte de l’ensemble de mon parcours et de la place de la « création > recherche » dans son évolution. Elle illustre l’interdépendance de mes pratiques de recherche et de création, mais aussi le gain pour l’artiste d’une telle « création sous contrainte », sous la contrainte d’une hypothèse et d’un processus itératif de questionnement entre théorie et création.

À ce stade là de mon exposé, mon choix d’une recherche création semble donc très pertinent. J’ai pu corréler recherche scientifique et recherche artistique et clarifier et surtout faire évoluer mon propre travail de création. Mais, il importe aussi de rappeler que ce choix m’a posé de grandes difficultés.

Il a été très difficile pour moi de revenir à la recherche, plus de dix ans après mon D.E.A.. Cette longue pause avait amoindri mes capacités à théoriser et à écrire de façon académique. De plus, ma démarche d’artiste plasticien était (et est toujours) fondamentalement antinomique avec une démarche distanciée et normée. J’ai souvent eu le sentiment que la recherche scientifique m’imposait un terrible contresens. Par ailleurs, je l’ai dit, la recherche création est relativement récente et il m’a fallu prendre un temps considérable pour clarifier ses visées et ses méthodes et pour trouver un mode de recherche appliquée à la singularité de ma situation.

J’ai aussi du tirer parti et articuler les méthodes de la recherche et celles de la création. La construction étayée d’une grille d’observation a exigé une synthèse théorique complexe. Même si elle est le centre de la « recherche > création », elle a constitué un exercice souvent contre nature qui a grandement nuit à ma création durant cette période. Je remarquerai aussi que sa mise en application montre qu’elle pourrait être simplifiée. D’ailleurs, sa confrontation à un autre contexte de recherche création est une piste de recherche ultérieure à envisager. Il importe aussi de souligner que, si cette grille méthodologique a été une aide nécessaire et distanciée de l’analyse de mes œuvres, ses effets de cadrage et de contextualisation n’ont pris réellement de sens que dans la perspective plus ouverte de la « création recherche ». L’articulation des méthodes de la « recherche > création » et de celles de la « création > recherche » s’est avérée aussi essentielle. On a vu le rôle de mon journal de bord, « mémoire vive de la recherche qualitative »55), mais aussi depuis longtemps, instrument de l’artiste. Il m’a permis à la fois de disposer des réflexions et des constructions à la base de mes œuvres analysées, mais aussi de témoigner du caractère évolutif des œuvres numériques.56) Mon intense activité de collecte d’œuvres d’artistes contemporains (reader.fluate.net) et de veille documentaire sur l’art, la technologie et les nouveaux médias (links.fluate.net) a nourri ma création, mais aussi ici, le questionnement théorique de la « recherche > création ». Enfin, de tous les dispositifs méthodologiques de l’artiste, mes six résidences (une au Chili, une en Espagne, deux au Québec, deux en France) m’apparaissent comme ce qui m’a fait le plus progresser. Ces résidences m’ont fait expérimenter des contraintes nouvelles et apporté les compétences hybrides nécessaires à la réalisation d’œuvres numériques. Le fait d’avoir été retenu pour une résidence dans le cadre de cette thèse a été fondamental, car cela m’a permis de redonner à la création toute sa place et de contrebalancer les effets perturbants de la « recherche > création ».57) Je pense donc que tout chercheur d’une recherche création devrait pouvoir bénéficier d’une résidence et prévoir ce dispositif en amont de son projet.

Je dirai aussi que la temporalité d’une thèse est une limite essentielle à saisir. Tous ces éléments, - mon profil purement artistique ; le chemin peu balisé de la recherche création et de ses méthodes, son projet éclaté -, ont nécessité un temps long de clarification et d’acculturation personnelle. Par ailleurs, une thèse oblige à faire des choix et des abandons. Sa durée est très contrainte, et ce, d’autant plus que j’ai du concilier le temps de la recherche avec le temps habituel de ma pratique artistique. J’ai dû continuer d’assurer la diffusion de mes œuvres et mon inscription dans des projets (la résidence de Loops témoignant d’ailleurs de cette activité). Enfin, je préciserai que j’ai dû aussi autofinancer cette thèse et que ceci a été un frein de plus à une pleine expression de ce travail de recherche. De fait, je ne peux que regretter ici certaines limites de mon travail de doctorat. La plus importante concerne un cadrage théorique obligatoirement restreint. Lors de l’écriture de l’état de la question théorique, j’ai dû faire de nombreux abandons. La perspective autopoïétique de ma recherche m’a conduit à orienter mes choix sur des sujets en lien direct avec mes travaux passés et en cours. Et on peut le regretter. Par exemple, j’ai choisi sciemment d’omettre la question des pratiques communautaires et collaboratives (notamment de remix) qui concerne peu mon travail artistique. Cela semble dommage au vu de l’ampleur de ces pratiques associées à la transition numérique. Une piste ultérieure de recherche pourrait questionner ce passage relevé par Lawrence Lessig58) d’une culture de Read Only (R.O.), que l’on pourrait traduire par « lecture seule », à une culture de Read and Write (R.W.) que l’on pourrait traduire par « lecture écriture ». Ramené à ma problématique, le principe du partage inhérent à ce principe de R.W. invite à observer comment certains utilisateurs vont s’approprier ces contenus et en proposer des variations et comment cela peut faire évoluer le principe et la création de remix. Notamment en lien avec le principe de viralité. En effet, si « l’écologie numérique ne fait pas qu’encourager la production de remix ou de rediffusion. Elle établit l’appropriabilité comme un caractère et un critère des biens culturels, qui ne sont dignes d’attention que s’ils sont partageables. Hors-jeu, un contenu non appropriable sera exclu des recommandations des réseaux sociaux ou des indications des moteurs de recherche, évincé des circulations éditoriales qui constituent l’architecture de cet écosystème. C’est ainsi que l’appropriabilité devient elle-même virale. ».59) Il serait donc intéressant de repérer comment utilisateurs et créateurs de remix s’emparent de cette qualité de partage et comment le principe de viralité est renforcé par cette qualité. Enfin, cette cyberculture donnerait toute sa dimension au questionnement de la transgression du droit d’auteur, au cœur du principe du remix (et de mon travail), si on envisage comme William Gibson que « Notre culture ne s’embarrasse même plus d’utiliser des mots comme appropriation ou emprunt pour décrire ces activités mêmes. L’audience d’aujourd’hui n’écoute plus du tout - elle participe. En effet, le public est un terme aussi antique qu’enregistrer, un terme archaïquement passif, l’autre archaïquement physique. L’enregistrement, pas le remix, est l’anomalie aujourd’hui. Le remix est la nature même du numérique »60).

Il y aurait beaucoup d’autres pistes ultérieures de recherche à lister dans cette conclusion, la diversité des perspectives ouvertes par l’état de la question théorique en témoigne. Mais cette recherche m’ouvre aussi plusieurs pistes de création. L’une d’entre elles découle directement de Loops et de Wall trope. Mon intention est ici toujours expérimentale et vise la création d’un remix distancié. Mon projet est de continuer à expérimenter encore plus les principes de composition dans l’espace initié avec Wall trope. Je compte continuer à utiliser le principe des bordures « sans fin ». Mais au lieu de me limiter à créer un motif unique qui va se répéter dans l’espace, je chercherai à accentuer ce principe en augmentant la dimension de la création. Je ferai en sorte que chaque « centre » de l’animation répétitive soit une composition différente et originale. En mettant ces différentes boucles bout à bout sur le principe de la grille, j’obtiendrai une composition démesurée. Pour l’instant, j’ai tenté de faire un prototype, mais je me trouve confronté à d’importantes contraintes techniques. Ce qui, nous l’avons vu, constitue aussi la vie de l’œuvre et le quotidien de l’artiste numérique. Il me reste donc à présent à trouver le cadre propice à l’émergence d’une intention ici toujours expérimentale et à réunir les compétences hybrides nécessaires.

On le voit, cette thèse ouvre, d’ores et déjà, la voie à d’autres créations et à d’autres recherches. Elle me permettra aussi de continuer à contribuer à la culture de partage et de réseau propre à la culture numérique. Mais surtout, j’espère pouvoir être un jour en capacité de transmettre mes connaissances artistiques et théoriques. Je souhaite dans un futur proche poser ma candidature comme enseignant-chercheur dans une université ou dans une école des Beaux-Arts. Les apports de cette recherche création me donne un atout pour ce métier. Car mon profil atypique de plasticien-chercheur me permet, je pense, d’enseigner avec pertinence les deux facettes théoriques et pratiques, étroitement reliées, de l’art numérique.

Plus simplement, j’espère avoir pu témoigner de la richesse, de l’exigence et de l’effervescence de l’art numérique et du remix artistique numérique en particulier.

1)
POISSANT, Louise. Archée : cyberart et cyberculture artistique / Méthodologies de la recherche-création [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 27 juin 2016]. Disponible à l’adresse : http://archee.qc.ca/ar.php?page=article&no=475.
2)
GOSSELIN, Pierre et LAURIER, Diane. Des repères pour la recherche en pratique artistique, in : D. laurier et P Gosselin (dir), Tactiques insolites : vers une méthodologie de recherche en pratique artistique. [S. l.] : Guerin Editeur Limitee, 1 janvier 2004, p. 2. ISBN 978-2-7601-6651-6.
3)
Ibid.
4)
POISSANT, Louise. op. cit
5)
PASSERON, René. Pour une philosophie de la création. Paris : Klincksieck, Editions, 1989, p. 14. ISBN 978-2-252-02647-2.
6) , 9)
CORBEL, Laurence. Les œuvres au risque de la contrainte. Nouvelle revue d’esthétique. Juin 2012, Vol. n° 9, no 1, p. 5‑10.
7)
Le dispositif entendu comme « l’agencement de différentes pièces d’un système technique, en l’occurrence d’un système matériel électronique conjugué à un système logiciel pour permettre une interactivité.  FOURMENTRAUX, Jean-Paul. Art et médias variables [en ligne]. 2012. [Consulté le 16 juin 2016]. Disponible à l’adresse : https://www-cairn-info-s.nomade.univ-tlse2.fr/revue-les-cahiers-du-numerique-2012-4-page-33.htm.
8)
COUCHOT, Edmond et HILLAIRE, Norbert. L’art numérique. Paris : Flammarion, 2 mars 2009, p. 10. ISBN 978-2-08-122512-1.
10)
FOURMENTRAUX, Jean-Paul. L’œuvre, l’artiste et l’informaticien : compétence et personnalité distribuées dans le processus de conception en art numérique. Sociologie de l’Art. Novembre 2003, Vol. OPuS 1 & 2, no 1, p. 69‑96.
11)
CORBEL, Laurence. op. cit.
12)
FOURMENTRAUX, Jean-Paul. Le concept de dispositif à l’épreuve du Net art. Les dispositifs d’information et de Communication: Concepts, usages et objets. 2010, p. 137–147.
13)
What is important, however, is that this new universe was not simply a scaled-up version of 20th century media culture. Instead, we moved from media to social media The practice of everyday (media) life MANOVICH, Lev. Video Vortex reader: responses to Youtube. Second Ed. Amsterdam : Inst. of Network Cultures, 2008, p. 33. ISBN 978-90-78146-05-6. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
14)
MANOVITCH, Lev - The practice of everyday (media) life, in MANOVICH, Lev. Video Vortex reader: responses to Youtube. Second Ed. Amsterdam : Inst. of Network Cultures, 2008, p. 33. ISBN 978-90-78146-05-6.
15)
FOURMENTRAUX, Jean-Paul et HENNION, Antoine. Art et Internet : Les nouvelles figures de la création. Paris : CNRS, 9 novembre 2005. ISBN 978-2-271-06353-3.
16)
It is assumed that the work of art lies equally in the version of the object one would encounter at a gallery or museum, the images and other representations disseminated through the Internet and print publications, bootleg images of the object or its representations, and variations on any of these as edited and recontextualised by any other author. MANOVICH, Lev. op. cit. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
17)
VIDAL, Geneviève, PAPILLOUD, Christian, FOURMENTRAUX, Jean-Paul, et al. Net Art et autoproduction [en ligne]. [S. l.] : Labex ICCA industries culturelles & création artistique, 2015. [Consulté le 31 mars 2015]. Disponible à l’adresse : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_01119765/.
18)
Collaboration without consideration of appropriation of ideas, Privileging communication over representation, Immediacy, Immateriality, Temporality, […] Parasitism as Strategy, […] Vanishing boundaries between private and public. BOOKCHIN, Natalie et SHULGIN, Alexei. Introduction to net.art (1994-1999) [en ligne]. 1999. [Consulté le 31 mars 2015]. Disponible à l’adresse : http://www.easylife.org/netart/catalogue.html. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
19)
To write about art on the Internet is to try to fix in words a highly unstable and protean phenomenon. This art is bound inextricably to the development of the Internet itself, riding the torrent of furious technological progress. […] “ Art ” itself is a term of dispute - rejected by some of those who have been called “net artists” - and it is only used here tentatively, as a term of convenience under which a number of phenomena can be examined. Its coherence can only be judged later. STALLABRASS, Julian. Internet Art: The Online Clash of Culture and Commerce. London : Tate, 28 octobre 2003. ISBN 978-1-85437-345-8. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
20) , 49)
Ibid.
21)
DEBRAY, Régis. Cours de médiologie générale. Gallimard. Paris : Gallimard, 12 avril 1991, p. 229. ISBN 978-2-07-072292-1.
22)
STIEGLER, Bernard. « Le mouvement perpétuel », Le Monde de l’éducation, n° 247, avril 1997. CITE PAR MERZEAU, Louise. Ceci ne tuera pas cela. Les cahiers de médiologie [en ligne]. 1998, Vol. 6, no 2, p. 19. DOI 10.3917/cdm.006.0027.
23) , 40)
SAUVAGEOT, Anne et LÉGLISE, Michel. Culture visuelle et art collectif sur le Web. [S. l.] : [s. n.], 1999, p. 37. Disponible à l’adresse : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/sauvageot-leglise/art_col_web.pdf.
24)
KISSELEVA, Olga. Cyberart : un essai sur l’art du dialogue. Paris : Editions L’Harmattan, 1998, p. 343. ISBN 978-2-7384-7111-6.
25)
BERGER, Pierre et LIORET, Alain. L’art génératif: Jouer à Dieu… un droit ? un devoir ? [S. l.] : Editions L’Harmattan, 1 septembre 2012, p. 130.
26)
The practice of taking cultural artefacts and combining and manipulating them into a new kind of creative blend. In LANKSHEAR, C. et KNOBEL, M. Digital Remix: The Art and Craft of Endless Hybridization. Dans : International Reading Association Pre-Conference Institute « Using Technology to Develop and Extend the Boundaries of Literacy », Toronto. Vol. 13 [en ligne]. 2007, p. 1. [Consulté le 6 février 2013]. Disponible à l’adresse : http://extendboundariesofliteracy.pbworks.com/f/remix.pdf. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
27)
Ibid. p. 66
28)
NAVAS, Eduardo. op. cit. p. 93
29)
Specific to new media and networked culture. Ibid. p. 73 Traduction libre : BOILLOT Nicolas
30)
Like the other remixes it makes evident the originating sources of material, but unlike them it does not necessarily use references or samplings to validate itself as a cultural form. Instead, the cultural recognition of the material source is subverted in the name of practicality-the validation of the regenerative remix lies in its functionality. Ibid. p. 73 Traduction libre : BOILLOT Nicolas
31)
Ce terme d’aura fait référence à la définition qu’en fait Walter Benjamin et caractérise la spécificité d’une œuvre d’art comme œuvre unique, liée à un endroit précis et qui s’inscrit dans l’histoire. Mais l’empreinte de l’œuvre originelle reste primordiale. BENJAMIN, Walter. op. cit. p. 68
32)
It allegorises and extends the aesthetic of sampling, where the remixed version challenges the “spectacular aura” of the original and claims autonomy even when it carries the name of the original. NAVAS, Eduardo. Op. cit. p. 66 Traduction libre : BOILLOT Nicolas
33) , 47)
Ibid. p. 68
34)
GUNTHERT, André. L’oeuvre d’art à l’heure de son appropriabilite [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 12 juillet 2014]. Disponible à l’adresse : http://culturevisuelle.org/icones/2191.
35)
KRAUSS, Rosalind. L’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes. Paris : Editions Macula, 3 mai 2000, p. 157‑158. ISBN 978-2-86589-038-5.
36)
LASSWITZ, Kurd. La bibliothèque universelle (1904) - Traduction : Philippe Guilbert [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 7 juillet 2015]. Disponible à l’adresse : http://editions-nilsane.blogspot.de/p/kurd-lasswitz-la-bibliotheque.html.
37)
MURAT, Mathilde et BERGÈRE, Raphaël. Appel - contributions - Colloque Emergence - Les processus de création comme phénomène d’émergence [en ligne]. Université Toulouse le Mirail, 2013. [Consulté le 28 avril 2016]. Disponible à l’adresse : http://www.lecollectifmatilde.fr/Appel - contributions - Colloque Emergence-2-2.pdf.
38)
We might roughly characterize the shared meaning thus: emergent entities (properties or substances) ‘arise’ out of more fundamental entities and yet are ‘novel’ or ‘irreducible’ with respect to them O'Connor et Wong 2012 cité dans Émergence [en ligne]. [S. l.] : [s. n.], 27 février 2016. [Consulté le 28 avril 2016]. Disponible à l’adresse : https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Émergence&oldid=123776414. 00013 Page Version ID: 123776414. Traduction : Wikipedia
39)
COUCHOT, Edmond et HILLAIRE, Norbert. L’art numérique. Paris : Flammarion, 2 mars 2009, p. 17. ISBN 978-2-08-122512-1.
41)
FOURMENTRAUX, Jean-Paul. AUTEUR FRAGMENTÉ. La création collective à l’heure d’Internet. Recherches en Esthétiques. 2008, no 14, p. 10.
42)
G. GENETTE cité par DUGUET, Anne-Marie. Déjouer l’image : Créations électroniques et numériques. Nîmes : Jacqueline Chambon, 15 avril 2002, p. 115. ISBN 978-2-87711-233-8.
43)
Une veille documentaire active sur l’art, la technologie et les nouveaux médias (presque 2000 liens visibles sur mon site https://links.fluate.net).
44)
Une collecte d’images d’œuvres d’artistes contemporains en lien avec mes centres d’intérêt, (plus de 500 œuvres datées principalement des deux dernières décennies et visibles sur mon site https://reader.fluate.net).
45)
De façon plus anecdotique, on peut aussi qualifier de remix régressif ceux qui font appel à « des univers régressifs (image ou son renvoyant le public à l’enfance, à une époque idéalisée, etc.) », ce qui contribue à renforcer leur portée référentielle. C’est le cas de Spoiler qui s’appuie sur un film culte La nuit des morts vivants ou de La lyre publicitaire, l’univers des publicitaires étant souvent régressif.
46)
NAVAS, Eduardo. Remix Theory: The Aesthetics of Sampling. [S. l.] : Springer Verlag GmbH, 24 juillet 2012, p. 66. ISBN 3-7091-1262-1.
48)
CERAP - Centre d’Etudes et de Recherches en Arts Plastiques - la recherche en arts plastiques [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 20 septembre 2015]. Disponible à l’adresse : http://cerap.univ-paris1.fr/spip.php?article3.
50)
LAURIER, Diane et LAVOIE, Nathalie. Hors thème Le point de vue du chercheur-créateur sur la question méthodologique: une démarche allant de l’énonciation de ses représentations à sa compréhension [en ligne]. 2013, p. 10. [Consulté le 20 septembre 2015]. Disponible à l’adresse : http://www.recherchequalitative.qc.ca/documents/files/revue/edition_reguliere/numero32(2)/rq-32-2-laurier-lavoie.pdf.
51)
Car on a vu que l’œuvre dépend de la temporalité du flux télévisuel de la salle d’exposition, de la temporalité des spectateurs et de la temporalité de la boucle générée par le dispositif.
52)
O’NEIL, Jamie. The Remix Aesthetic: Originality: Mixed and Mashed-up [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 21 septembre 2015]. Disponible à l’adresse : http://www.comdma.com/~mcluhanr/images/Oneil_Remix_1D_SHORT.pdf.
53)
Remix denies the very concept of the original. In remix, the “original” is impossible, because the world (or paradigm) is one of copies of copies, a place where we have lost touch, moreover, lost faith in the possibility of an original. Ibid. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
54)
The aesthetics of remix does not require a precise historical knowledge of “originals” in the conventional sense, but a more complex view of history that seeks to continually reinterpret itself. Ibid. Traduction libre : BOILLOT Nicolas
55)
SAVOIE-ZAJC, Lorraine. Journal de bord. In : MUCCHIELLI, Alex. Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales. 2e édition revue et augmentée. Paris : Armand Colin, 25 novembre 2004. ISBN 978-2-200-26829-9 p. 137.
56)
Pour rappel, j’avais consigné le concept de Plagiairc huit ans avant sa réalisation. Cela m’a permis d’attendre l’arrivée des performances technologiques requises.
57)
Je noterai d’ailleurs que cette résidence ne prévoyait pas de collaboration technique, ce qui démontre que le temps de résidence est surtout là pour dynamiser la création.
58)
LESSIG, Lawrence. Remix: Making Art and Commerce Thrive in the Hybrid Economy by Lessig, Lawrence (2008) Hardcover. [S. l.] : Penguin Press HC, The, 1900.
59)
GUNTHERT, André. La culture du partage ou la revanche des foules | L’Atelier des icônes [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 2 mai 2016]. Disponible à l’adresse : http://culturevisuelle.org/icones/2731.
60)
Our culture no longer bothers to use words like appropriation or borrowing to describe those very activities. Today’s audience isn’t listening at all – it’s participating. Indeed, audience is as antique a term as record, the one archaically passive, the other archaically physical. The record, not the remix, is the anomaly today. The remix is the very nature of the digital WILLIAM GIBSON. God’s Little Toys | WIRED [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 2 mai 2016]. Disponible à l’adresse : http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:http://www.wired.com/2005/07/gibson-3/&gws_rd=cr&ei=CHUnV5PsAujagAaN_qDwCw. Traduction libre : BOILLOT Nicolas