Contribution méthodologique pour l’analyse des remix artistiques numériques
Nous venons de voir que l’hypothèse d’une filiation de mon travail artistique avec le remix a rendu nécessaire un état de la question théorique (I et II). Mes questionnements antérieurs, mes expériences artistiques et mes lectures m’ont ainsi amené à construire une réflexion, partant de la création numérique, en général, pour arriver au remix artistique numérique, en particulier. « L’implication du remix dans la création plastique à l’ère de la dématérialisation numérique » est un sujet vaste qu’il m’a fallu entrevoir selon beaucoup d’angles d’analyse. Il ne m’est pas apparu souhaitable de tenter une définition du remix artistique numérique. L’art est par définition sans délimitation et vivant. De plus, le remix numérique s’inscrit dans les pas de l’art numérique en général et il semble présomptueux de vouloir en faire un genre radicalement distinct. De même, les pratiques de remix numérique sont beaucoup trop abondantes, différentes et évolutives pour les fixer dans un cadre rigide. Enfin, seul un grand nombre d’angles d’analyse pourra m’aider à délimiter les contours de mon travail avec suffisamment de distance.
C’est pourquoi l’actuelle proposition consiste à rendre compte de cette diversité et à rassembler dans une grille d’observation les différents points marquants de l’art numérique et du remix numérique. Sa diversité témoigne de ma posture volontairement systémique. Bien sûr, la liste des observations n’est pas exhaustive. Le cadre contraint de la thèse m’a conduit à faire des choix. J’ai donc privilégié les axes de questionnement en phase avec mon travail, même si j’ai tout de même abordé certaines tendances incontournables qui me sont extérieures.
Cette grille d’observation est donc une contribution méthodologique destinée à une « recherche > création », apparentée, on l’a dit, à une recherche sur l’art, ici autopoïétique. Elle structurera l’observation critique et distanciée de chacune de mes six œuvres réalisées avant le doctorat (III.b) et élargira ma perspective d’analyse. L’objectif étant de relever comment mes œuvres se positionnent dans le contexte diversifié et changeant de la création de remix numérique.
Mais j’ai souligné que, simultanément à la « recherche > création », la « création > recherche » génère, elle aussi, un questionnement théorique à partir du processus de création des « œuvres en train de se faire ». De fait, s’il a été nécessaire de tenter de compartimenter autant que possible les deux périodes, chacune n’a pas manqué d’interférer avec l’autre et de nourrir le processus global de la création comme de la réflexion théorique. Pour des raisons de commodité de lecture, j’ai rassemblé dans l’état de la question théorique, et donc dans cette grille d’observation, l’ensemble des notions théoriques issues des deux moments de recherche ; ce qui explique d’ailleurs pourquoi certains passages sont particulièrement enrichis (comme le droit d’auteur ou le rapport au temps, très importants dans mon travail, on le verra).
Cette contribution est donc à la fois un outil méthodologique, mais aussi, et c’est important de le souligner, le témoin d’un processus itératif de questionnement visant une construction conceptuelle ouverte qui marque l’interdépendance de mes pratiques de recherche et de création.
La présentation de cette grille d’observation comprend deux contributions méthodologiques qui suivent le plan de l’état de la question théorique dont elles sont issues. - Une contribution relative à « La création numérique et Internet, un nouveau paradigme pour la création » (en lien avec la partie I). - Une contribution sur « Le remix dans la création plastique numérique » (en lien avec la partie I). Cela a l’avantage de faciliter un retour en arrière vers le texte d’origine, parfois utile pour bien saisir la portée de ces indicateurs nécessairement trop simplificateurs.
Première contribution méthodologique
Points d’observation pour une mise en perspective des œuvres numériques
La création numérique et Internet, un nouveau paradigme pour la création (I.)
L’implication de la dématérialisation numérique dans la création (I.a)
INDICATEUR | |
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Une nouvelle relation au médium (I.a.i) | L’Œuvre pensée, tout ou partie, comme relation au spectateur |
La place importante des « contraintes dites créatrices » | |
L’exploitation de nouvelles possibilités de diffusion numérique dans le temps et l’espace | |
La tendance à la dissolution de la notion de « public initié » liée à l’art contemporain |
INDICATEUR | |
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Un espace de création dépendant de l’acculturation numérique des artistes (I.a.ii) | Le niveau d’acculturation numérique de l’artiste : catégories d’artiste, types de technologies utilisées, strates de l’ordinateur concernées |
Le type d’intervention avec le logiciel applicatif | |
Le niveau de langage de programmation utilisé pour la création |
INDICATEUR | |
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Codage, traduction et copie : des principes fondateurs et reliés de la création numérique (I.a.iii) | Le principe unificateur du codage binaire : à partir de plusieurs sources de données, de plusieurs procédés de captation, etc. |
La copie comme principe de création | |
La copie comme principe de conservation |
Les effets d’une diffusion des flux d’information à une large échelle par l’intermédiaire du Web (I.b)
INDICATEUR | |
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L’abondance, des médias de masse à Internet (I.b.i) | L’infobésité, générant saturation, accessibilité des informations et mise en concurrence accrue des médias |
La cohabitation de deux types de diffusion des flux d’information : verticale et horizontale | |
La capacité de production et de création généralisée |
INDICATEUR | |
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La notion d’auteur revisitée par les nouvelles technologies (I.b.ii) | |
L’instabilité chronique du statut d’auteur dépendante de rapports de force socioéconomiques (visions anglophone et française du droit d’auteur) | |
L’influence du modèle de l’hypersphère et du réseau sur le droit d’auteur | |
Les procédés révolutionnaires pour la consultation et le stockage | |
La remise à plat du système de valeurs des biens informationnels |
INDICATEUR | |
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La création numérique et la transgression du droit d’auteur (I.b.iii) | |
La question de la référence à l’œuvre originelle. | |
La création de remix, une transgression du droit d’auteur | |
L’arsenal législatif actuel, épée de Damoclès au-dessus de chaque créateur de remix | |
Le verrou « droit d’auteur » débordé par les nouvelles pratiques engendrées par le Web 2.0 |
Les pratiques artistiques induites par le médium numérique (I.c)
INDICATEUR | |
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De nouvelles stratégies de création « par, pour et avec Internet » (I.c.i) | |
L’Internet, espace simultané de création et de communication | |
La différenciation d’un art « sur le réseau » et d’un « art en réseau » | |
L’art dit « Post-Internet » |
INDICATEUR | |
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L’œuvre numérique : un nouveau rapport au temps (I.c.ii) | |
Le « temps créateur » de l’œuvre numérique : Les conditions singulières de création : une œuvre « interactive » L’intention de l’artiste et les conditions d’action du spect’acteur Le changement d’état du spectateur L’interactivité : - suivant les possibilités d’intervention laissées au spectateur - suivant les types d’interfaces dans le cas spécifique du Net Art |
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Le « temps compté » et le « temps retrouvé » de l’œuvre numérique, soumise à l’obsolescence programmée des dispositifs dépendent de la création et sa monstration L’œuvre fragilisée par l’obsolescence La maîtrise du « temps compté » L’œuvre revisitée par l’obsolescence Le temps retrouvé grâce au remix numérique |
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INDICATEUR | |
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L’artiste comme collectionneur par l’intermédiaire d’Internet (I.c.iii) | |
La collection comme pratique artistique amplifiée à l’ère numérique | |
De l’artiste collectionneur à l’artiste curateur du XXIe siècle |
Deuxième contribution méthodologique
Points d’observation pour une mise en perspective des œuvres de remix numérique
Le remix dans la création plastique numérique (II.)
Les pratiques sociétales du remix (II.a)
INDICATEUR | |
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Les définitions du remix artistique, premier repérage (II.a.i) | |
Premier repérage : le médium utilisé | |
Deuxième repérage : le type et la diversité du matériel source | |
Troisième repérage : les pratiques de détournement Le remix sélectif Le remix sélectif étendu Le remix réflexif Le remix régénératif |
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L’originalité de l’œuvre en débat | |
Le degré de distanciation avec l’original |
INDICATEUR | |
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Le remix et les courants artistiques (II.a.ii) | |
L’inscription du remix numérique dans une histoire de l’art : intention, rapport majoritaire à l’objet référentiel, degré de complexité du détournement, etc. |
Les formes de remix : une expression foisonnante aux principes communs (II.b)
INDICATEUR | |
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Le remix sonore (II.b.i) | |
La progression du détournement et des techniques : de simples opérations d’amplification ou de découpe d’une même source, avec ajouts d’effets, à des agencements plus complexes avec, par exemple, la technique du sampling |
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La grande diversité de matériau sonore utilisé | |
L’arrivée de l’autonomisation et de la semi-autonomisation | |
Le niveau d’acculturation numérique des artistes comme des utilisateurs de moins en moins limitant | |
La mise en avant de la malléabilité, caractéristique principale et nouvelle de la conversion du son au numérique |
INDICATEUR | |
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Le remix visuel « non numérique » (II.b.ii) | |
Idem que remix sonore : principes spécifiques du remix posés - L’importance de la collecte de matériaux - Le détournement et la recomposition de nouvelles images - L’importance des contraintes créatrices, faible ou forte. - La diversité des techniques (montage photographique, vidéo, pliage papier…) |
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INDICATEUR | |
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Le remix visuel « numérique » (II.b.ii) | |
Le numérique : facilitateur, accélérateur, différenciateur | |
L’accessibilité accrue à une grande masse et une grande diversité de matériaux sources | |
La facilitation de la collecte, de la sélection, du tri, L’automatisation des opérations : découpage, sampling, etc. |
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L’accentuation des conditions de co-création et des perspectives communicationnelle et réflexive propres au remix numérique | |
L’exploitation des performances toujours grandissantes des ordinateurs L’impact des innovations technologiques et notamment numériques sur le renouvellement constant de la création |
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INDICATEUR | |
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Le remix textuel et le remix d’objet (II.b.iii) | |
Le remix textuel avant le numérique Le principe combinatoire et normé, en phase avec l’esprit du remix Le remix textuel dépendant de « contraintes créatrices » |
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Le remix textuel numérique - L’amplification du principe combinatoire, du principe de collection, de la diversité des contraintes créatrices et de la mise en jeu de la question de l’auctorialité - La création d’une relation intrinsèque entre l’image et le texte par le codage d’information |
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Le remix d’objet |
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